Le Mystère Henri Pick

Publié le par Jeanne Ulet

Le Mystère Henri Pick

Comme si la reconnaissance consistait à être compris. Personne n’est jamais compris, et certainement pas les écrivains. Ils errent dans des royaumes aux émotions bancales, et, la plupart du temps, ils ne se comprennent pas eux-mêmes.

Le Mystère Henri Pick

Imaginez qu’un bibliothécaire fasse un pari. Imaginez que ce pari soit les livres refusés par les éditeurs. Imaginez qu’une éditrice fouille dans les rayons. Imaginez qu’elle tombe sur une perle.

La machine s’emballe.

Cette histoire, c’est le début du Mystère Henri Pick. Le roman est sorti au début du mois de juin dans la Collection Blanche de Gallimard. L’auteur, David Foekinos, n’est pas un débutant. Il a déjà signé quatorze romans, dont le Goncourt des lycéens et le Renaudot en 2014 pour Charlotte.

(Je viens de lire la quatrième de couverture).

Je n’avais au départ pas l’idée de lire ce roman, le résumé m’a seulement plu. Il parle d’enquête littéraire, de comédie, et de « la preuve qu’un roman peut bouleverser l’existence de ses lecteurs » (encore la quatrième de couverture…).

Parce que la question est, est-ce véritablement Henri Pick qui a écrit ce roman ? Les théories divergent à ce sujet, le pizzaiolo breton peut-il vraiment signer un chef d’œuvre littéraire mettant en parallèle une histoire d’amour et l’agonie de Pouchkine ? Sa veuve prétend qu’il n’a jamais rien lu ou écrit… L’histoire du roman passionne d’ailleurs plus que le roman lui-même. Il est encensé par la critique davantage pour son mystère que pour son style, aussi bouleversant qu’il soit.

David Foekinos a donc choisi de nous décrire un mystère de l’édition. Je ne doute pas qu’il est rodé au procédé, comme l’auteur à succès qu’il est. Le choix est intelligent. Certains d’entre vous apprécient d’écrire romans, nouvelles, ou fanfictions, je fais de même, et un bon tiers de la France doit en faire autant. Voire se considérer comme des génies incompris. Ou alors rêver d’écrire. En bref, l’écrivain est une chimère. On le présente de bien des façons, mais les auteurs eux-mêmes ne savent (peuvent ?) pas précisément les décrire, et en fin de compte l’auteur demeure un mystère.

Le Mystère Henri Pick avait déjà donc tout pour faire vendre, mais vous savez aussi bien que moi que ça ne fait pas la qualité du livre.

Mais le roman est bon. Le roman est bon, sans être du Zola, mais il est bon parce qu’il est touchant. Il ne s’agit pas d’une grande histoire d’amour à la Musso, la question sentimentale n’est d’ailleurs pas la trame principale (ce qui est plutôt rare maintenant). Le roman est touchant, parce qu’il est facile de faire face à l’incompréhension de la famille Pick, aux doutes des critiques, autant qu’à l’enthousiasme de l’éditrice Delphine. Le roman d’Henri Pick est imaginaire (intéressante figure de style que je viens de faire, vous avez quatre heures), mais le lecteur se passionne pour lui…

Et faut-il parler de la veuve ? Henri Pick est mort, mais Madeleine est toujours là. Elle n’a jamais rien su. Elle tombe dans le tourbillon, mais son caractère de bretonne aux pieds sur terre fait plus que sourire. On lui parle de délires littéraires, elle répond par du concret. Et moi, j’adore. J’adore et j’adhère.

Je ne dirais pas pour autant qu’il s’agit d’une comédie. L’humour apparaît, mais par petites touches. Une note en bas de page ici, une tournure là. L’auteur ne force pas la blague. Il n’a pas écrit pour faire rire, mais son sens de la dérision force à sourire. Les grands airs ou les actes de tous les jours peuvent être ridicules. Foekinos le sait. Et il nous le montre.

Je n’ai pas encore terminé le roman, mais je sais que ça ne va pas tarder. Je termine rarement les bouquins avant d’écrire mon billet. Le but étant de donner envie de lire, la meilleure méthode pour moi est de retranscrire mon enthousiasme en évitant de connaître le point final. Je sais, je suis maso.

Peut-être que la fin sera décevante. Ou peut-être que ce sera un coup de génie. J’en suis pour l’instant à la moitié, et déjà je sais que ce n’est pas un livre dont je voudrai me débarrasser (et si, ça peut arriver que je bazarde des bouquins).

Un petit mot pour la fin ?

« Même une dispute tu me la refuses »

Publié dans Les belles lettres

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